viernes, septiembre 16, 2011

Collusion dans la construction


http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/331426/unite-anticollusion-duchesneau-souleve-des-tensions


Unité anticollusion - Duchesneau soulève des tensions


Rapport accablant dans le secteur des transports. L'UPAC élargit le mandat de l'unité anticollusion à plusieurs services gouvernementaux.

Kathleen Lévesque 15 septembre 2011


Jacques Duchesneau pourrait ne plus présider le travail d'enquête de son équipe anticollusion dont le mandat sera élargi au-delà du ministère des Transports, a appris Le Devoir. Après avoir transmis un rapport dévastateur au gouvernement, M. Duchesneau n'a pas postulé pour devenir fonctionnaire comme l'exige l'Unité permanente anticorruption (UPAC).

«M. Duchesneau est à contrat avec nous jusqu'au printemps, en mars. On réévaluera à ce moment-là son intérêt. Ce qui compte, c'est d'avoir la meilleure personne au meilleur endroit», a déclaré au Devoir le grand patron de l'UPAC, Robert Lafrenière.

Ce dernier réagissait à un article de La Presse qui rendait compte de la décision des trois quarts des enquêteurs et agents de renseignement de l'unité anticollusion de M. Duchesneau de ne pas se soumettre au processus administratif d'embauche officielle dans la fonction publique. Les 19 postes d'enquêteurs de l'unité ont fait l'objet d'un concours pour lequel 250 des 1000 candidatures déposées ont été retenues pour l'instant.

Si la présidente du Conseil du trésor, Michelle Courchesne, a souligné qu'elle déployait des efforts pour ne pas perdre les «meilleurs éléments», M. Lafrenière s'est borné à dire qu'il allait évaluer la pertinence de «renouveler certains contrats à cause de l'expertise».

La restructuration de l'unité anticollusion a été décidée dès l'arrivée en poste de Robert Lafrenière au printemps dernier. Rapidement, certaines tensions seraient alors apparues entre le commissaire de l'UPAC, Robert Lafrenière, et M. Duchesneau, a appris Le Devoir de sources diverses.

Un rapport accablant

Puis, il y a deux semaines, Jacques Duchesneau a transmis son rapport, résultat d'un an et demi d'enquête sur les problèmes de collusion au sein du ministère des Transports (MTQ). Les constats de l'ancien chef de police sont accablants, selon ce qu'en a révélé hier Radio-Canada qui en a une copie entre les mains. Le rapport indique qu'il existe «un univers clandestin et bien enraciné d'une ampleur insoupçonnée».

Le document est une synthèse des différentes observations de l'équipe de M. Duchesneau, mais également des témoignages recueillis notamment auprès d'acteurs politiques, d'employés du MTQ, de firmes de génie-conseil et d'entreprises de construction. On y établit un lien direct entre l'industrie des travaux routiers et le financement des partis politiques.

En avril dernier, Le Devoir révélait que l'opération Marteau a le milieu politique dans sa mire. En fouillant l'organisation des marchés par des firmes de génie-conseil (elles seraient neuf, d'où le nom «club des neuf»), la police a constaté qu'elles seraient le pivot d'un système permettant aux différents partis politiques d'amasser des fonds. Le financement des partis politiques ferait même partie de leur «core business», avait affirmé une source bien au fait du dossier.

À cet égard, le rapport révélé par Radio-Canada estime qu'il y a un «trafic d'influence». «À travers les professionnels du financement, les politiciens encouragent la déviance [...]. Dans les faits, ils savent très bien qu'une entreprise a contribué plus de 100 000 $ à leur caisse électorale et que c'est pour cette raison [...] que les gens de la construction ont si facilement accès aux décideurs», explique un ex-conseiller politique qui n'est pas identifié.

Le rapport de Jacques Duchesneau souligne que les «extra», c'est-à-dire les travaux facturés après l'obtention d'un contrat et qui gonflent les coûts, sont une véritable mine d'or pour les firmes d'ingénierie et les entrepreneurs. Les propos d'un ingénieur qui explique les manipulations viennent apporter un éclairage supplémentaire aux nombreuses informations qui ont été révélées au cours des dernières années.

«Le truc est le suivant, c'est l'entrepreneur qui facilite le tour de passe-passe, mais c'est en haut que ça se joue. Mettons que l'ingénieur de la firme chargée de la surveillance [des travaux] doit autoriser un extra de 100 000 $ [...]. Il trouve le moyen d'aller chercher le double auprès du MTQ. Il y a donc un 100 000 $ blanchi à se partager: la firme [de génie-conseil] pourra l'utiliser pour contribuer à des caisses électorales et l'entrepreneur pour payer ses travailleurs au noir», raconte cet ingénieur.

Le document soulignerait même que de gros joueurs de l'industrie de la construction auraient à leur emploi des spécialistes des «extra». Ces personnes recevraient une commission de 10 % sur les «extra» conçus et obtenus dans un projet.

Un mandat élargi

Compte tenu du travail de l'unité anticollusion et des résultats obtenus, l'UPAC a décidé d'élargir son mandat. Mise sur pied en février 2010, l'unité devra prévenir la collusion auprès d'autres ministères qui octroient de très nombreux, contrats comme c'est le cas pour les Services gouvernementaux. Il reste toutefois de nombreuses ficelles à attacher. Une importante rencontre entre l'UPAC et le Conseil du trésor, qui édicte les règles d'octroi de contrats gouvernementaux, est prévue la semaine prochaine «pour choisir les bonnes cibles», a précisé Robert Lafrenière.

«C'est à évaluer. Mais on pense surtout aux dossiers les plus vulnérables comme ceux d'informatique», a indiqué ce dernier. «Il y a d'autres types de contrats que le transport pour lesquels cela vaut la peine de regarder en amont les stratagèmes de collusion qui ont pu être mis en place. C'est pour ça qu'on a augmenté les effectifs de l'unité anticollusion et que l'on veut d'autres expertises, et non pas seulement d'anciens policiers qui ont fait de l'enquête», a ajouté M. Lafrenière.

Ainsi, l'UPAC souhaite remplacer bien des enquêteurs de l'unité de M. Duchesneau (pour une majorité, des policiers à la retraite de la GRC, du SPVM et de la SQ) par des informaticiens, des juricomptables, des ingénieurs, par exemple.

Aussi, l'ensemble des sept unités formant l'UPAC seront regroupées à compter du 3 octobre prochain dans deux édifices voisins, à Montréal. Selon M. Lafrenière, ce nouvel environnement est nécessaire pour assurer la cohésion des échanges et bénéficier d'une certaine émulation.

Par ailleurs, le commissaire a prévu faire une première présentation publique des activités de son organisation, comme l'y oblige la loi, d'ici quelques semaines. Force est de constater que la publication du rapport de Jacques Duchesneau risque de le bousculer quelque peu.





http://www.radiovm.com/Nouvelles/Details.aspx?/=A&n=28681

16 sept 2011



Québec : le rapport sur la collusion indique «une ampleur insoupçonnée»

Les malversations dans l'industrie de la construction ont pris une telle ampleur que le Québec risque carrément une «prise de contrôle de certaines fonctions de l'État» par des acteurs mal intentionnés, prévient l'Unité anticollusion dans un rapport secret.

Ce rapport, que La Presse a obtenu, décrit les modus operandi du crime organisé, des firmes de génie-conseil, des entrepreneurs et des partis politiques.

«Les soupçons sont persistants qu'un empire malfaisant est à se consolider dans le domaine de la construction routière», affirme Jacques Duchesneau, dirigeant de l'Unité, en préambule du document.

«S'il devait y avoir une intensification du trafic d'influence dans la sphère politique, on ne parlerait plus simplement d'activités criminelles marginales, ni même parallèles: on pourrait soupçonner une infiltration voire une prise de contrôle de certaines fonctions de l'État ou des municipalités», lit-on plus loin.

En plus d'un an de travail, l'équipe de Jacques Duchesneau a découvert un système d'une «ampleur insoupçonnée», infiltré massivement par le crime organisé, qui permet de gonfler de façon démesurée les coûts des travaux routiers.

Les enquêteurs confirment qu'un grand nombre d'entreprises de construction entretiennent des liens avec des organisations criminelles.

«On présume donc fortement que certaines jouent d'influence sur les contrats octroyés par le gouvernement, voire qu'elles ont déjà mis les pieds sur les chantiers mêmes du ministère», dit le rapport.

Outre les motards et la mafia, des groupes d'entrepreneurs généraux eux-mêmes «fonctionnent comme des cartels» pour éliminer la concurrence et organiser la collusion, poursuit le document. Et l'omerta règne dans l'industrie.

«Tout le monde a peur. La mafia est impliquée là-dedans, et les motards, donc t'as intérêt à te mêler de tes affaires», a confié une source interviewée pendant l'enquête.

Des employés du ministère des Transports et des firmes de génie auraient par ailleurs coulé des informations privilégiées à des entrepreneurs pour leur permettre de préparer leurs soumissions.

Les enquêteurs constatent aussi que les entreprises soumissionnent à un bas prix en sachant à l'avance qu'elles rempliront quand même leurs coffres grâce aux «extras» facturés en surplus.

Certaines firmes emploieraient même des spécialistes des «extras» qui empochent 10% de commission sur ce qu'ils arrivent à faire payer au gouvernement.

Un ingénieur ayant travaillé dans différentes firmes de génie-conseil a aussi dévoilé un stratagème utilisé pour constituer des caisses occultes.

«Mettons que l'ingénieur de la firme chargée de la surveillance doit autoriser un extra de 100 000$ pour des travaux supplémentaires. Il trouve le moyen d'aller chercher le double auprès du MTQ. Il y a donc un 100 000$ blanchi à se partager: la firme pourra l'utiliser pour contribuer à des caisses électorales et l'entrepreneur pour payer ses travailleurs au noir», a-t-il révélé aux enquêteurs.

Des firmes de génie manquent «d'exactitude et d'imputabilité», alors qu'en même temps, le ministère leur laisse le champ libre car il manque «d'expertise et de vigilance», précise le document. «Pendant que les firmes se développent une expertise inestimable, le ministère perd inexorablement la sienne», y lit-on.

Les politiciens ne sont pas épargnés par le rapport. Un ex-conseiller politique a témoigné que les partis se financent massivement grâce aux dons des firmes de génie-conseil et de construction, ce qui donne aux entreprises un accès aux politiciens.

«Plus ils ont de contrats, plus ils donnent; plus ils donnent, plus ils ont de l'influence; plus ils ont de l'influence, plus ils ont de contrats. Et cette influence, ils l'exercent ensuite partout via l'argent public, que ce soit en siégeant sur des fondations ou en faisant des levées de fonds pour des oeuvres caritatives. Ils deviennent presque intouchables», a expliqué l'ex-conseiller.

Le rapport ne donne aucun nom d'entreprise ou d'individus. Ce sont les policiers et procureurs de la Couronne qui seront chargés d'accuser ceux qui auraient brisé la loi.

Ce n'est pas la première fois que l'on montre du doigt le rôle joué par les firmes de génie-conseil dans le financement occulte des partis, dans la collusion ainsi que dans les dépassements de coûts.

Lors de la vague d'arrestations survenue en février dernier à Boisbriand et qui avait visé entre autres la vice-présidente du groupe Roche, le capitaine Éric Martin, de l'opération Marteau, avait déclaré ceci à La Presse: «Pour faire avancer des projets de construction, ou pour qu'ils soient autorisés, [les firmes] ont besoin de financer des partis politiques. Elles vont demander à des collaborateurs ou à des employés de commettre des fraudes par supercherie, mensonge ou autres moyens. Elles vont fabriquer de fausses factures ou facturer des services jamais réalisés.»

L'an dernier, après une plainte du député Amir Khadir, le groupe Axor a plaidé coupable à une quarantaine d'infractions pour avoir versé plus de 150 000 $ au PLQ, au PQ et à l'ADQ grâce à des prête-noms.

Parmi ses 50 recommandations au gouvernement, l'Unité insiste sur l'importance de serrer la vis aux firmes de génie-conseil et renforcer la fonction publique. Elle propose d'offrir aux fonctionnaires des séances «d'une heure sur la collusion, comportant un volet sur le crime organisé».

Le ministre des Transports, Pierre Moreau, s'est dit heureux que le Ministère «ait fait les gestes nécessaires» en mandatant Jacques Duchesneau l'an dernier, mais il balaie d'un revers de main les constats accablants pour son ministère contenus dans le rapport. Il faudra vérifier le bien-fondé de ces conclusions, explique-t-il.














http://www.ledevoir.com/politique/quebec/331499/collusion-dans-la-construction-la-peur-des-liberaux


Collusion dans la construction - La peur des libéraux

Bernard Descôteaux 16 septembre 2011 Québec



Le rapport de l'Unité anticollusion dirigée par Jacques Duchesneau confirme ce que tout le Québec sait. Existe au sein du ministère des Transports un système de collusion «d'une ampleur insoupçonnée» pour l'attribution des contrats de travaux publics. Un constat, qui même venant d'une personnalité aussi crédible, n'émeut d'aucune façon le gouvernement Charest qui persiste dans un refus injustifiable de mettre sur pied une commission d'enquête.

Ce rapport remis au ministre des Transports voilà déjà deux semaines ne contient pas de noms. Son mérite est néanmoins de nous décrire ce système qui, de nous prévenir l'ancien chef de police de Montréal, menace la démocratie en ce qu'il se substitue à l'État ou à tout le moins le pervertit.

Ce système, les médias l'avaient mis au jour ces trois ou quatre dernières années. Le Devoir avait sonné l'alarme en mettant au jour les circonstances troublantes du contrat de compteurs d'eau à la Ville de Montréal. Des informations que l'équipe de Jacques Duchesneau a pu étayer et documenter. Ce que l'on soupçonnait jusqu'ici n'était que la pointe de l'iceberg puisque, d'affirmer Jacques Duchesneau, le système de collusion existant au ministère des Transports est implanté profondément.

Sont en cause dans ce système de grandes entreprises de construction regroupées en cartel, d'importantes firmes d'ingénieurs, des fonctionnaires, des politiciens et le crime organisé. Le trafic d'influence à la source de ce système entraîne un gonflement des coûts assumé par l'ensemble des contribuables. Ce qui vaut pour le ministère des Transports vaut aussi pour tous les ministères et municipalités qui octroient des contrats de travaux publics et de services professionnels.

Que dire de ces révélations si ce n'est de réitérer une autre fois qu'il s'agit d'un vaste scandale auquel il faut une réaction à la mesure du système en cause? Le scandale est autant dans ce système que dans l'absence d'une réaction vigoureuse de la part du gouvernement Charest, qui se contente d'enquêtes de police.

On est encore bien loin de voir des bandits en prison. Voilà deux ans que la police enquête sans résultats. Certains dossiers sont bouclés, mais restent engorgés chez le directeur des poursuites criminelles. Quant aux policiers, ils seront eux-mêmes prudents lorsqu'apparaissent dans leurs enquêtes des noms liés au monde politique. Car oui, tout ce système de collusion conduit au monde politique, comme le signale on ne peut plus clairement le rapport Duchesneau, qui établit un lien direct entre la surfacturation en cours d'exécution de contrats et le financement des partis politiques.

Il était étrange d'entendre hier le nouveau ministre des Transports, Pierre Moreau, soutenir qu'il prenait au sérieux toutes les constatations faites par l'équipe d'enquêteurs de l'Unité anticollusion... sauf celle ayant trait à cette surfacturation. Cela ne relève que de l'administratif, a-t-il protesté, comme si cela pouvait empêcher le transit de contributions illégales vers les caisses électorales des partis politiques. Rappelons l'exemple du grouper Axor, qui l'an dernier a plaidé coupable à quelque 40 infractions pour avoir versé illégalement plus de 150 000 $ au Parti libéral, au Parti québécois et à l'Action démocratique.

La réalité est que le gouvernement peut exercer un certain contrôle sur le travail policier, ce qu'il ne pourrait faire avec une commission d'enquête, dont le cheminement lui échapperait totalement. Ce ne sont pas trois ou quatre «bandits» qui seraient envoyés en prison, mais tout un système qui serait exposé dans toutes ses ramifications qui plongent loin dans le monde politique, économique et criminel. Ce n'est pas sans raison que Jacques Duchesneau parle d'un système à «l'ampleur insoupçonnée».

Le résultat d'une enquête publique serait, n'en doutons pas, une véritable boîte à surprise. Seraient mis sur la sellette autant des dirigeants d'entreprise que des politiciens de tous horizons et leurs liens avec un monde criminalisé. Le gouvernement Charest a visiblement peur de voir ce noeud de vipère décortiqué et exposé publiquement. Mais c'est à ce prix que peut être démantelé durablement ce système de collusion. Si on se contente d'un simple coup de balai, les quelques bandits qui iront en prison seront vite remplacés par d'autres. C'est l'intégrité même de l'État et la confiance des Québécois envers leurs institutions qui entre-temps se délitent. Il y a urgence de tenir cette grande enquête publique.











http://www.ledevoir.com/politique/quebec/331502/collusion-dans-la-construction-qui-dit-vrai

Collusion dans la construction - Qui dit vrai?

Pierre Moreau affirme que 13 dossiers ont été confiés à l'Unité permanente anticorruption. La police prétend n'avoir rien reçu.
16 septembre 2011 Québec


Les révélations du rapport de Jacques Duchesneau sur un système organisé de collusion à grande échelle impliquant des firmes de génie-conseil, des entreprises de construction et des employés du ministère des Transports ont créé hier beaucoup de confusion au sein du gouvernement.

Le ministre Pierre Moreau a affirmé qu'au-delà du rapport, 13 dossiers ont été transmis pour enquête policière à l'Unité permanente anticorruption (UPAC) qui a pourtant soutenu n'avoir jamais reçu de telles informations.

Problème de communication, gestion de crise éparpillée, jeux de coulisses politiques? La tourmente est telle que les contradictions fusent depuis deux jours. Et comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement a décidé de prendre acte du rapport, mais refuse de le rendre public bien qu'il soit égrené dans les médias. En soirée, Radio-Canada a pris les devants et l'a rendu accessible sur son site Internet.

Le ministre des Transports, Pierre Moreau, a déploré la fuite du document, y voyant un écueil pour la poursuite des enquêtes policières. Cela fait «en sorte que le rapport aura probablement moins d'impact et moins de pertinence aux fins des enquêtes [policières] qu'il aurait dû en avoir», a-t-il supposé.

Selon lui, Jacques Duchesneau et son équipe de l'unité anticollusion ont déjà transmis à l'UPAC 13 dossiers, c'est-à-dire des cas particuliers de collusion avec des noms. Or, vérification faite auprès de l'UPAC, aucune information de cet ordre n'a été reçue de la part de M. Duchesneau au fil des mois. «Tout ce qu'on a, c'est le rapport», a précisé Anne-Frédérick Laurence, porte-parole de l'UPAC. «Pour l'instant, on se concentre sur les suites à donner au rapport», a-t-elle ajouté en soulignant que le commissaire Robert Lafrenière, tête dirigeante de l'UPAC, et Jacques Duchesneau discutaient du dossier.

En fin de journée, Pierre Moreau a maintenu sa version des faits. Le mandat de Jacques Duchesneau était notamment de dénoncer aux autorités policières des problèmes de collusion ou de corruption qui nécessitaient une enquête pouvant mener à des poursuites. «Et ça, il l'a fait. Il l'a fait dans le cas de 13 dossiers qu'il a transmis directement à l'UPAC», a assuré le ministre.

Dans la conclusion du rapport Duchesneau, on peut lire que les enquêteurs ont «identifié treize dossiers pouvant comporter des éléments criminels» transmis à l'Opération Marteau.

Le ministre estime par ailleurs que le rapport Duchesneau fait office de commission d'enquête puisqu'il a démontré les stratagèmes mis en place par toute une industrie. Il n'a donc pas lieu d'en créer une comme le réclame l'opposition, a plaidé M. Moreau.

Quant aux raisons de la fuite, le ministre a rejeté les différentes hypothèses qui lui ont été soumises, y compris celle voulant que le geste visait peut-être à réveiller les consciences et s'assurer, du coup, que les choses bougent tant du côté politique que policier. «On n'a pas avantage à demander aux policiers de bâcler leur travail et de l'accélérer», a dit le ministre en rappelant que l'objectif est de mettre les bandits derrière les barreaux.

Aujourd'hui, ce sera au tour du premier ministre Jean Charest de commenter la situation. Une conférence de presse est prévue à Montréal, confirmait-on hier à son cabinet. On ajoutait également que bien qu'il n'ait pas entre les mains le rapport Duchesneau, le premier ministre trouve préoccupants les constats révélés.

Le diagnostic posé par Jacques Duchesneau après un an et demi de travail, établit des liens étroits entre des firmes de génie-conseil, des entrepreneurs en construction, des employés du ministère des Transports, mais également avec les partis politiques. Une partie de la facture des dépenses supplémentaires pour des contrats servirait d'ailleurs à garnir les caisses électorales de certaines formations politiques. Des ingénieurs joueraient un rôle important dans ce financement occulte des partis politiques. Hier, le PLQ et le PQ affirmaient faire du financement en respectant les impératifs de la loi. Tous deux ont rappelé que dorénavant, tous les dons doivent transiter par le Directeur général des élections (DGEQ).

Ce dernier n'a d'ailleurs pas tardé à réagir au rapport Duchesneau. Le DGEQ a réclamé d'avoir accès au rapport Duchesneau, ce à quoi a consenti le ministre Moreau.

Ironie du sort, le nouveau ministre des Transports prenait la parole hier devant des membres du Conseil du patronat, dont plusieurs dizaines de représentants de firmes d'ingénierie. Or, il y a eu beaucoup d'absents.

Les liens entre ingénieurs et monde politique sont courants. Ainsi, un des organisateurs de la dernière campagne électorale du ministre Moreau, dans Châteauguay, Dan Rochette, était un employé d'une firme de génie-conseil bien connue, Genivar. En décembre 2008, à quelques jours du scrutin général, M. Rochette a accordé une interview au Soleil de Châteauguay. Le journal le présentait comme un «adjoint au vice-président de Genivar».

M. Rochette soutenait en être à sa 20e campagne électorale depuis le milieu des années 80, alors qu'il avait aidé «son ami Jean-Marc» Fournier (maintenant ministre de la Justice du Québec) lors d'un scrutin fédéral. M. Rochette précisait ne pas être rémunéré pour son travail d'organisateur. «Mais c'est certain que ça crée tout un réseau de contacts», avait-il déclaré au Soleil avant d'ajouter :«Ça donne des entrées et c'est plus facile, par exemple, d'inviter des politiciens pour des levées de fonds.» À ce propos M. Moreau a précisé hier que depuis son élection, il n'avait jamais été invité par M. Rochette pour participer à des campagnes de financement. «Ça fait des lunes que je n'ai pas de contact avec lui», a soutenu M. Moreau.

De même, Jean-Marc Fournier a fait savoir, par son porte-parole David Couturier, qu'il n'avait lui non plus jamais été sollicité par M. Rochette pour participer à de telles activités. M. Rochette n'a pas rappelé Le Devoir hier. Pierre Moreau dit avoir «eu des contacts avec Genivar» quand il était en droit municipal, parce que c'est une firme qui a une clientèle dans ce milieu: «J'ai probablement été dans des activités lorsque j'étais avocat où Genivar se trouvait, oui», a-t-il confié. En décembre 2009, l'Action démocratique soulignait que plusieurs firmes de génie-conseil avaient obtenu des contrats de gré à gré du ministère des Transports. Genivar faisait partie de la liste. Selon l'ADQ, Genivar avait reçu pour 17 721 833 $ de contrats en 2009-2010. Entre 2000 et 2009, des cadres et employés de Genivar ont versé 40 750 $ au PLQ.



Avec la collaboration d'Antoine Robitaille