sábado, febrero 27, 2010

Francisco Javier Barrio Terrazas

http://www.ledevoir.com/2009/03/05/237341.html


L'ambassadeur mexicain et les «femmes de mauvaise vie»



Brigitte Morrissette
Édition du jeudi 05 mars 2009

Le nouvel ambassadeur du Mexique au Canada, Francisco Barrio Terrazas, vivra à Ottawa un exil doré, loin de Ciudad Juarez et du Chihuahua, la ville et l'État qu'il a gouvernés et qui figurent en tête de liste de la violence en Amérique du Nord. Mais il risque aussi de vivre quelques cauchemars avec la récente sortie à Mexico de Backyard -- El Traspatio, un docu-fiction qui ramène sous les projecteurs les mortes de Juarez.

À l'étranger, Francisco Barrio Terrazas, ambassadeur nouvellement nommé au Canada, est surtout connu des femmes non pour ses charmes de séducteur latino, mais pour avoir dirigé Ciudad Juarez, la ville des maquiladoras (usines de sous-traitance) rendue célèbre par les assassinats de plus de 442 femmes (et 1042 disparues) en moins d'une décennie. Les chiffres varient considérablement, selon qu'ils sont fournis par les ONG, la police ou les autorités affolées de voir fuir les investisseurs et le tourisme.

La cerise sur le gâteau, ce sont les réflexions relevées par la presse mexicaine lorsqu'on parlait à l'ex-gouverneur des femmes assassinées. Selon l'agence Cimac d'information sur les femmes, Francisco Barrio échappa d'abord ce commentaire: «Ce sont des femmes de mauvaise vie.» Plus tard, il eut cette conclusion inspirée de la logique ambiante (M. Barrio est membre du grand parti catholique d'Action nationale qui gouverne le Mexique): « Elles ont couru après leur propre malheur.»

Son étonnante nomination a déjà soulevé des murmures au nord comme au sud. Avec le film Backyard -- El Traspatio (versions anglaise et espagnole du mot «arrière-cour»), de Carlos Carrera et Sabina Berman, le murmure risque de s'enfler bruyamment. (Le titre du film rappelle la réflexion d'Adolfo Aguilar Zinser, ex-sénateur et conseiller du président mexicain Vicente Fox, qui tomba en disgrâce pour avoir déclaré que «les États-Unis ont toujours considéré le Mexique comme leur arrière-cour». Expédié à l'ONU comme ambassadeur, Zinser s'opposa à la participation du Mexique à l'invasion de l'Irak et mourut peu après lorsque sa voiture fut happée par un camion sur une route mexicaine.)

Il y a si longtemps qu'on parle des «mortes de Juarez» qu'on pensait pouvoir oublier l'affaire à l'usure. Et voilà que Backyard, sur les écrans depuis quelques jours, vient ranimer l'indignation. On plaindra le nouvel ambassadeur, déjà mis à mal pour son échec comme responsable de la lutte anti-corruption dans l'administration de l'ex-président Fox.

En ces temps de crise financière, ce docu-fiction ne pouvait mieux illustrer la cupidité des entreprises étrangères qui quittent maintenant le Mexique parce que les mini-salaires, comme on dit, sont encore trop élevés comparativement aux salaires indiens, chinois, honduriens et cie. Et parce que l'État impose trop de charges aux «investisseurs» étrangers.

Ciudad Juarez manque pourtant de services municipaux au point que les investisseurs coréens, japonais ou canadiens vivent généralement de l'autre côté de la frontière, qu'ils traversent soir et matin comme prix à payer pour la juteuse étiquette made in Mexico.

L'horreur

Ciudad Juarez est un désert à demi urbanisé et la poussière dans le film est si vraisemblable qu'on se secoue en sortant de la salle... Beaucoup de journalistes et de cinéastes étrangers ont été tentés d'éclaircir le mystère qui plane toujours autour des «mortes de Juarez». Il fallait une équipe mexicaine pour en montrer toute l'horreur dans un scénario dont l'héroïne est une femme-détective qui n'hésite pas à s'introduire dans un immense congélateur à viande souterrain où se balancent des corps de femmes torturées et assassinées. Cette fois, la fiction dépasse peut-être la réalité, et encore: des informations ont circulé dans ce sens.

Le cinéaste Carlos Carrera nous avait déjà donné un mélo (El Padre Amaro) avec l'histoire d'une jeune fille et d'un curé descendant aux enfers pour une affaire d'amour et d'avortement. Cette fois, le scénario évite le ton larmoyant des téléromans latinos pour nous entraîner efficacement au fond de l'horreur derrière une policière qui finira par se servir du pistolet qu'elle brandit pour descendre l'un de ces chasseurs de chair fraîche en Oldsmobile et lunettes noires.

Backyard -- El Traspatio est réaliste, brutal, efficace -- comme ne l'ont jamais été, hélas, les commissions nommées par les gouvernements pour faire toute la lumière sur les mortes de Juarez. Le film de Carlos Carrera, Sabina Berman (une dramaturge célèbre au Mexique) et Isabel Tardan (la productrice) n'éclaire pas davantage notre lanterne, mais il soulève suffisamment de lièvres sur la complicité financière et politique pour en faire un film d'une époustouflante actualité.

Juarez, symbole de la crise de l'ALENA -- et autres traités de libre-échange -- et de la cupidité qui en demeure le fondement. À recommander aussi à tous les jeunes et vieux qui se sont intéressés au Chiapas, aux autochtones et à la perte cruelle de leur langue et de leur culture. Car deux des principaux personnages du film sont un jeune couple d'Indiens du Chiapas partis faire un peu d'argent à la frontière, comme on allait naguère remplir ses poches à Sept-Îles et Baie-Comeau. Leur tragédie nous projette dans le délirant Klondyke de Juarez. Bref, un film bouleversant à l'affiche d'une chaîne de multicinémas à Mexico.

Quant à réprimer la violence à la frontière, le gouvernement mexicain a choisi d'agir en expédiant 5000 soldats à Juarez et dans les environs. Quelle jeune fille se sentira pour autant rassurée?










http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2009/02/26/006-ambassadeur-mexique-canada.shtml


Un ambassadeur au lourd passé


La nomination de Francisco Barrio Terrazas au poste d'ambassadeur du Mexique au Canada crée des remous. Dans les deux pays, des organismes de défense des droits de la personne dénoncent cette nomination.

M. Barrio Terrazas est un ancien gouverneur de l'État du Chihuahua. Il était en poste à l'époque où des centaines de femmes ont été victimes de viol ou d'assassinat dans la ville de Juarez. Il a été critiqué pour son refus de demander une enquête. Il avait laissé entendre que les victimes avaient été responsables de leur malheur, car elles se promenaient la nuit, dans des endroits sombres et légèrement vêtues.

Son administration s'était attiré les critiques de la commission nationale des droits de la personne du Mexique. Selon la commission, M. Barrio Terrezas avait mal géré l'affaire des violences de Juarez, en plus de faire preuve d'une attitude méprisante à l'endroit des victimes et de leurs familles.

Des associations réagissent

Dans une lettre adressée au premier ministre canadien Stephen Harper, la Fédération des femmes du Québec réclame qu'Ottawa « rappelle au gouvernement du Mexique les engagements internationaux et nationaux contractés en matière de droits des femmes et qu'il consente les ressources adéquates pour prévenir et contrer véritablement tous les actes de violence perpétrés à l'encontre des femmes. » La FFQ ajoute que « le passé de M. Barrio ne nous donne aucune garantie que, comme représentant du Mexique, il sera sensible à cette question, bien au contraire ».

Une importante association de défense des droits de la personne de Juarez a aussi critiqué la nomination de l'ex-gouverneur. « Nous ne pouvons pas accepter que le Canada, un pays modèle dont la culture est fondée sur le respect des droits de la personne et sur la primauté du droit, puisse appuyer une personne qui a toléré le meurtre et le viol de femmes et de jeunes filles », a écrit l'association dans un communiqué.

Au bureau du premier ministre Stephen Harper, on indique que le gouvernement avait accepté la nomination de Francisco Barrio Terrazas en raison des liens étroits tissés avec le président Felipe Calderon. « Le président mexicain, Felipe Calderon, a mis en place des réformes du système judiciaire et des institutions des droits humains et nous applaudissons le Mexique pour ses progrès dans ces domaines », a déclaré à la Presse canadienne la porte-parole Karine Ledoux.

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